Notre Président d’honneur, Pierre Valette n’est plus.
Le fondateur – avec Jean Salle – de l’ASPAHG [l’association à partir de laquelle fut créée la FAHG] nous a transmis et confié ce qui était sa grande idée, aujourd’hui concrétisée et amplement développée, la fédération de toutes les associations gardoises œuvrant à la défense et à la connaissance du patrimoine de notre département.
Il n’est plus, mais ce qu’il nous a laissé va poursuivre son chemin, le chemin qu’il a tracé et sur lequel il a su mener un grand nombre d’acteurs de la vie culturelle. Il n’a pas seulement ouvert « une voie », il a mis toute son énergie à élargir et à entretenir cette « voie » ; en créant et « alimentant » la revue Patrimoine 30, il a fait en sorte que notre fédération se donne les moyens de toucher un large public.
Pour rendre hommage à Pierre, il faut évoquer toutes les actions concrètes menées par l’homme enthousiaste qu’il fut, en particulier dans le cadre du Centre culturel du Vigan, Le Bourilhou, dont il fut le président pendant 29 ans. [C’est du reste grâce à ce « centre » que l’ASPAHG a pu se réaliser, prendre de l’ampleur, et que s’est effectué au mieux – il faut le savoir – l’essor de notre actuelle fédération.]
Là encore, l’incorrigible « dynamiseur » qu’il était (le mot n’existe pas mais il rend assez bien compte de son état d’esprit) est parvenu à mettre en place plusieurs structures dépassant le cadre du pays viganais, à commencer par un rapprochement avec l’Écosse ; son « Comité de réception des Écossais » fut par lui créé pour organiser des rencontres culturelles et sportives, et perdura pendant 45 ans.
Ce lien avec l’Écosse est bien sûr issu de son mariage avec Pat, écossaise d’origine, mais aussi de son travail mené dans le domaine des Civilisations de l’Antiquité classique ; il faut rappeler que Pierre était docteur en archéologie et que sa thèse, sous la direction du Professeur Michel Labrousse, avait pour titre « Recherches sur le Nord de la Grande Bretagne aux trois premiers siècles de notre ère ».
Pierre Valette a rédigé deux textes accessibles à tous sur ce sujet : le premier est paru en 2001, édité par l’I.S.P.M. (l’Institut des Sciences du Patrimoine Méridional) pour faire découvrir une période méconnue de l’histoire écossaise, en faisant cheminer ses lecteurs (selon la formule de la dédicace qui m’était destinée) « sur les traces d’Agricola, du Nord de l’Angleterre aux Hautes Terres d’Écosse ».
Pierre m’a fait l’honneur de me proposer la préface du second, édité cette fois par la FAHG : « L’Écosse romaine du IIe au Ve siècle de notre ère ». Cet ouvrage est le fruit d’un véritable prolongement de son travail universitaire ; Pierre a en effet continué d’approfondir sa connaissance du sujet en se rendant régulièrement sur place et en se tenant précisément informé des avancées de la recherche locale.
Au fait, est-ce la résistance des Pictes, associés aux Scots et Attécotes, face aux Romains qui a séduit Pierre au point de l’attacher à ce pays d’Écosse ? L’important est que cet attachement nous a permis, par son « entremise », de découvrir ou de mieux connaître un autre aspect de l’Empire romain, bien différent de ce que fut l’établissement de la Provincia (Narbonnaise puis Viennoise) dans notre région.
D’autres livres furent écrits par Pierre Valette, qui montrent bien son incessante activité d’écriture : citons entre autres, en 2007, « Les Pictes : les hommes peints du Nord » et en 2008, « De la préhistoire à l’histoire, en Pays Viganais » (du Paléolithique Moyen au temps des Bénédictins), puis en 2011, avec Stéphane Marquis, « Pierre sèche en Pays Viganais », domaine dans lequel il fut également très actif.
Chacun sait que Pierre Valette aimait écrire et prendre des photos ; il rédigea ainsi de nombreux articles de presse, avec illustrations photographiques, pour deux journaux régionaux essentiellement : le Midi Libre, bien sûr, mais aussi, pour celui qui lui était sans doute plus «cher » du fait d’une plus grande proximité avec son lectorat : La Marseillaise (dont la parution est aujourd’hui totalement arrêtée).
Dans son désir de dynamiser le secteur au plan historique, Pierre a créé le « Club Histoire et Archéologie en pays Viganais », et par ce biais – au départ, en grande partie « axé » sur la reconnaissance de la voie antique des Rutènes – avait obtenu que le Centre culturel du Bourilhou soit un des lieux où sont données chaque année des conférences entrant dans le cadre, aujourd’hui bien connu, des « Journées de l’Antiquité ». Si chacun, au Vigan, a perçu combien l’énergie de « M. Valette » a fait croître le nombre des adhésions au Bourilhou, les autochtones ont-ils suffisamment considéré la chance qu’offraient lesdites «Journées» d’assister aux prestations de personnalités telles que Henry de Lumley et Jean Clottes, sur la préhistoire, de Luc Long, pour le buste de César, d’Alain Vernhet, à propos de la Graufesenque ? (pour ne citer qu’eux !)
C’est d’ailleurs dans ce cadre que j’ai pu – in extremis au regard du Covid19 – présenter une communication le 7 mars 2020, justement programmée pour évoquer un sujet qui nous avez captivé, Pierre et moi : la localisation du siège et de la bataille d’Alésia. Dix ans auparavant, Pierre avait proposé à Mme Danielle Porte, latiniste et professeur d’histoire romaine à la Sorbonne, de faire sa conférence sur « Alésia retrouvée ».
Pierre aimait le débat – quitte à parfois hausser le ton ! C’est en ce sens qu’il avait convié Mme Porte, accompagnée du vidéaste Jean-Pierre Picot, à venir défendre Chaux, un site jurassien qu’un archéologue de renom, André Berthier, désignait comme la véritable Alésia de César, et aussi dans cet état d’esprit que nous avons accepté, Pierre et moi, de nous rendre sur place, quatre jours pleins, pour étudier cette hypothèse.
Ce fut une suite de moments inoubliables, pendant lesquels j’ai pu apprécier le féru d’histoire et d‘archéologie que Pierre Valette était réellement ; il a, deux ou trois fois, « haussé le ton » pour dire et montrer les aspects positifs du site, en particulier l’un des murs cyclopéens de l’oppidum face auquel il s’est exclamé : « Ce mur pourrait bien être du VIIIe avant ! », et ceux sur lesquels il émettait de grandes réserves …
Pierre connaissait parfaitement les lignes de défense romaines et il s’est formellement « inscrit en faux » devant un arrondi de murailles que l’on désignait comme une clavicula, ingénieux système plaçant l’ennemi en position de faiblesse. Non … ça, il ne pouvait l’accepter … pas plus que les divers éléments (ou structures) présentés comme relevant « nécessairement » de la métropole religieuse des Mandubiens !
Moment inoubliable aussi lorsqu’on nous a emmenés sur la voie – dallée – du Pointat ; nous qui avions « arpenté » ensemble plus d’un chemin ancien en divers endroits de l’Occitanie, avons été confrontés à la pression des « suiveurs « d’A. Berthier pour abonder dans leur sens et confirmer que ce tronçon de voie pouvait avoir vu passer les légions de César et de Labienus, ce que nous n’avons ni pu ni voulu faire !
Ce fut une suite de moments inoubliables, pendant lesquels j’ai pu apprécier le féru d’histoire et d‘archéologie que Pierre Valette était réellement ; il a, deux ou trois fois, « haussé le ton » pour dire et montrer les aspects positifs du site, en particulier l’un des murs cyclopéens de l’oppidum face auquel il s’est exclamé : « Ce mur pourrait bien être du VIIIe avant ! », et ceux sur lesquels il émettait de grandes réserves …
Pierre connaissait parfaitement les lignes de défense romaines et il s’est formellement « inscrit en faux » devant un arrondi de murailles que l’on désignait comme une clavicula, ingénieux système plaçant l’ennemi en position de faiblesse. Non … ça, il ne pouvait l’accepter … pas plus que les divers éléments (ou structures) présentés comme relevant « nécessairement » de la métropole religieuse des Mandubiens !
Moment inoubliable aussi lorsqu’on nous a emmenés sur la voie – dallée – du Pointat ; nous qui avions « arpenté » ensemble plus d’un chemin ancien en divers endroits de l’Occitanie, avons été confrontés à la pression des « suiveurs « d’A. Berthier pour abonder dans leur sens et confirmer que ce tronçon de voie pouvait avoir vu passer les légions de César et de Labienus, ce que nous n’avons ni pu ni voulu faire !
Il y aurait bien des souvenirs encore à rapporter pour rendre hommage à Pierre Valette. Je voudrais uniquement, pour ne rien laisser dans l’ombre, m’écarter un instant du domaine de l’histoire et rappeler que Pierre était aussi un bon instrumentiste ; il jouait de l’accordéon à touches de piano. C’est cet instrument (du même type que le mien, mais à clavier-boutons) qui, dans un premier temps, nous a rapprochés.
Pierre m’avait proposé, dès 1993, de recomposer le Trio d’Oc – qu’il avait fondé plusieurs années auparavant – dans le cadre d’un «atelier» du Bourilhou. Nous avons joué 22 ans ensemble pour des repas de nos aînés, pour le Téléthon, pour des « Thés dansants » … et pour le plaisir ! – Pat, son épouse, en m’annonçant son décès, m’a dit que Pierre voulait que je vienne jouer, à ses obsèques, un morceau composé pour lui …
Cela n’a pu se faire. Et ses amis, ses confrères, ses collègues de la FAHG n’ont pas pu [dans le respect des actuelles mesures sanitaires] lui faire l’adieu auquel chacun a droit. Sache, Pierre, que nous le ferons, a posteriori bien sûr, mais avec une même intensité dans notre recueillement, dans nos pensées – voire dans nos prières (œcuméniques ) – et dans le souvenir bien gravé en nous de celui que tu as intensément été.
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Comme beaucoup de passionnés d’archéologie, je connaissais bien Pierre Valette. Il m’avait invité à 3 reprises pour présenter des conférences sur les monuments mégalithiques des Causses et des Cévennes lors des colloques du Printemps de l’Antiquité, mais également pour des dédicaces de livres. j’en fus bien sûr honoré.
J’apprenais à connaître et apprécier quelqu’un d’ouvert, de chaleureux et toujours très actif pour le Bourilhou. Toujours sympathique et très proche.
Je l’ai vu l’an dernier assez fatigué lors d’une conférence et j’ai appris cette semaine son départ. Cela m’a fortement touché.
Je présente toutes mes condoléances à ses proches et je souhaite une bonne continuation au Bourilhou.
Bruno MARC